Lorsque l’une des deux sœurs qui ne sont plus en contact depuis longtemps a un accident, l’autre la rejoint à Paris pour l’aider le temps de sa réhabilitation. Les retrouvailles sont tendues, Clara et Axelle ayant des tempéraments bien différents. Clara (Flipette), mesurée et réfléchie, est une artiste en quête de sens. L’actualité l’angoisse et elle préfère ne pas trop se renseigner sur le monde, les guerres, les crises écologiques, etc. Axelle (Vénère), au contraire, est une militante engagée qui déborde de colère devant les injustices sociales. En chaise roulante depuis son accident, elle fait découvrir son monde à Clara qui va devoir la remplacer au sein des associations dans lesquelles Axelle est engagée. Clara se retrouve confrontée à ce qu’elle essayait jusque-là d’ignorer : réfugiés, adolescents placés, …
Ce roman graphique nous présente la friction entre deux extrêmes. Les deux sœurs ne se comprennent pas, ayant chacune leur propre façon de faire face à une société dysfonctionnelle. Au fil des disputes et des dialogues, on recherche la meilleure manière de faire face au monde d’aujourd’hui : faire l’autruche pour protéger sa propre santé mentale comme Clara, ou s’investir corps et âme pour tenter d’améliorer, même un tout petit peu, les choses comme Axelle ? Flipette et Vénère nous fait nous remettre en question quant à notre rapport au monde qui nous entoure et à nos (non-)actions. Être constamment en colère contre les injustices, c’est éreintant, mais est-ce une raison pour s’enfermer dans notre petite bulle de confort ?
Violaine
Parfois guérir n’est pas une possibilité, voilà alors quand démarre la recherche pour « se rétablir ». Lisa Mandel recueille ici plusieurs témoignages de personnes atteintes de maladies mentales, comme entendre des voix, être bipolaire, tdah… ainsi que chacun de leur parcours, chacun unique, à la recherche d’une façon d’aller mieux, même si « se rétablir, c’est vivre avec ».
C’est tellement intéressant d’en apprendre davantage sur ces personnes, qui auraient, il n’y a pas si longtemps, juste été étiquetés « fou » ou « folle » et abandonnés dans un asile, mais qui aujourd’hui, grâce aux bonnes rencontres et aux bons spécialistes, peuvent vivre plus sereinement et être plus épanouis.
Tout est raconté avec beaucoup de clarté, de pédagogie, une touche d’humour comme il faut, et permet d’avoir un nouveau regard face à l’altérité. À découvrir !
Clémence
Dans un hameau reculé au cœur d’une montagne allemande, Jakobsleiter, une communauté anabaptiste vit loin des modes de notre vie contemporaine.
Depuis dix ans, Smilla, stagiaire au journal du village le plus proche, recherche une explication à la disparition brutale de sa meilleure amie dans cette même montagne.
Et brusquement, Rebekka, jeune fille de Jakobsleiter, disparaît elle aussi. S’ensuit alors une enquête effrénée pour comprendre l’origine de ses disparitions et les mystères liés au hameau.
Roman polyphonique, Les enfants loups nous mène de point de vue en point de vue pour nous approcher doucement et implacablement de l’effroyable vérité. Entre le thriller et le roman social, ce livre est absolument impossible à lâcher !
Céline
« J’ai écrit et volé deux heures à mon quotidien et à mon ménage
Des heures à l’usine
Des textes et des heures
Comme autant de baisers volés
Comme autant de bonheur
Et tous ces textes que je n’ai pas écrits »
Par amour, le narrateur quitte son job d’éducateur en région parisienne et suit sa femme en Bretagne. Pas de job dans son domaine dans la région, et commence alors la grande valse des missions intérimaires en usine.
Conserverie de poisson, égouttage de tofu, abattoir, les lieux changent mais la répétition des gestes perdure. De formation littéraire, le narrateur ne cesse de faire des liens avec les écrits d’auteurices aimé·e·s, et ponctue son texte de références et des chansons populaires qui égaient les journées.
« Quelle poésie trouver dans la machine la cadence
Et l’abrutissement répétitif »
Un texte écrit pourtant comme un long poème, magnifique et percutant, qui raconte le corps fourbu, les pensées qui flottent au rythme des gestes mécaniques, le sommeil qu’on ne trouve plus le week-end.
« J’écris comme je travaille
A la chaîne
A la ligne »
Ce récit est un indispensable manifeste intime et politique, qui nous plonge dans le quotidien précaire des ouvriers intérimaires.
Céline
Dans ce volume des quatre tomes de l’autobiographie de Maya Angelou, nous la retrouvons à San Francisco, jeune mère célibataire qui se démène pour gagner sa vie en tant que femme noire dans une Amérique emprunte de racisme et de ségrégation.
Entre ses envies de réussite, sa quête d’amour et l’exigence que confère un enfant à élever, elle tente tant bien que mal de faire sa place dans le milieu du spectacle. Au fil des rencontres et des expériences, elle sera amenée à effectuer une tournée mondiale avec la troupe du spectacle « Porgy & Bess ».
Elle revient avec tendresse et humour sur ses années et la jeune femme qu’elle a été, sans jamais faire de concession pourtant sur son engagement politique. Un récit de vie aérien et profond, qui nous plonge avec délice dans le monde du jazz !
Et si vous ne l’avez pas encore lu, je vous conseille aussi Je sais pourquoi chante l’oiseau en cage, dans lequel Maya Angelou nous partage le récit de son enfance.
Céline
Lolita est actrice. Elle est enceinte. Le lendemain matin de la dernière de son spectacle, un matin comme un autre, elle perd subitement les eaux. Le diagnostic tombe : rupture prématurée des membranes. S’enclenche alors la course à la vie à la mort, mais l’inéluctable arrive douze jours après la naissance du petit Kolia, il meurt.
Ce livre est un cri de douleur, une lettre à son enfant pour le faire vivre plus longtemps, une manière d’accepter l’inacceptable.
Malgré un sujet douloureux, ce récit n’est pas larmoyant. Il est bien écrit, sensible, bouleversant et lumineux.
Katia
Milan, 12 ans, vit à Versailles avec un père français et une mère rwandaise, exilée en France depuis les années 70 qui tait ses origines. « Le passée de ma mère est une porte close », dit Milan. Lors du génocide de 1994, il voit arriver dans sa vie le Rwanda par l’intermédiaire de la télévision. Peu de temps après arrive, dans la famille, Claude, un rescapé. Les deux garçons deviennent grands amis, mais le jeune Rwandais quitte subitement la maison pour retourner dans son pays. Quelques années plus tard Milan le retrouvera au Rwanda. Il se trouvera plongé, sans le vouloir, dans l'histoire du pays. Il lui faudra des années et de nombreux autres voyages et séjours pour le découvrir et en percer les silences.
Dans ce roman, Gaël Faye parle de mémoire, de travail de deuil de toute une nation, d’une patiente et nécessaire réconciliation entre les Tusti et les Hutus.
Huit ans après Petit pays, Gaël Faye nous livre un récit précis, touchant, pudique et important avec un désir d’avenir et de vie !
Katia
Au cœur des années 70, Francis Gleeson et Brian Stanhope, jeunes recrues de la police New-Yorkaise, s’installent dans la banlieue de Gillam, dans l’espoir d’offrir une vie confortable à leurs familles en devenir.
Si Lena, l’épouse de Francis, souhaite immédiatement se lier d’amitié avec Anne, celle de Brian, cette dernière refroidit vite toute velléité de sympathiser. Au fil des ans, trois filles naissent chez les Gleeson, tandis que Peter est l’unique enfant des Stanhope. Une relation d’amitié profonde va se nouer entre Peter et Kate, la benjamine des sœurs Gleeson. L’année de leurs 14 ans, une tragédie se produit et les deux adolescents sont brutalement séparés…
L’autrice nous emmène dans une saga familiale de facture assez classique, en nous promenant d’un point de vue à l’autre des protagonistes, avec beaucoup de sensibilité. Les parcours chaotiques de nos héros nous permettent de nous attacher à chacun d’entre eux, de par le doute et les erreurs inhérentes à chaque vie humaine. J’ai beaucoup aimé la façon dont le tabou de maladie psychiatrique, très fort en cette fin de XXème siècle et avec des conséquences dramatiques, était abordé au fil des pages.
Un joli roman tout en délicatesse et empathie !
Céline
Dans sa cellule de prison, Ansel Packer attend son transfert avant d’être exécuté. Il pense à sa théorie, celle qu’il souhaite par-dessus tout transmettre avant de disparaitre, sa certitude que d’autres univers existent, parallèles à celui-ci, d’autres univers dans lesquels il aurait pu faire d’autres choix, devenir une meilleure personne.
Tandis que l’on suit le décompte jusqu’au moment fatidique, l’autrice nous emmène dans le passé, et dans la vie des victimes du meurtrier. Par une construction subtile de son récit, elle parvient à nous amener à saisir des bribes de compréhension de la fabrique de ce monstre, mais aussi et surtout à nous faire revivre l’existence des femmes tuées, leurs espoirs, leurs échecs et leurs doutes, et à nous les faire aimer.
Avec ce thriller déroutant, l’autrice questionne le monde juridique, la fascination pour les criminels et dénonce le manque de prise en charge dans les violences faites aux femmes. Addictif, humaniste et brillant, je n’ai pas pu le lâcher avant la dernière page !
Céline
Le recueil de Hollie McNish "Je souhaite seulement que tu fasses quelque chose de toi" traite avec justesse des sujets importants tels que la maternité, l'éducation; le féminisme, le deuil, les injustices et les relations familiales. La poétesse y interroge notre quotidien et plus particulièrement celui des femmes parfois avec humour, colère ou tendresse. Un livre qui fait réfléchir, des textes bouleversants où différents genres, formes se mêlent et qui ne laissent certainement pas indifférents !
Quel est le point commun entre un imitateur de génie, escroc, voleur et vagabond à ses heures, et une menuisière cherchant à fuir sa capacité à donner vie aux objets en s’enfermant dans une vie normale ? Si vous avez répondu « un héritage encombrant sous la forme d’une maison avec des pattes », félicitations !
Bellatine Yaga et son frère Isaac, éloignés l’un de l’autre pendant des années, se retrouvent contraints de renouer le contact lorsque leur héritage ukrainien les rattrapent à l’improviste : leur ancêtre, Baba Yaga, a en effet choisi que sa maison aux pattes de poulet soit léguée à ses héritiers directs 70 ans après sa mort. Ils ignorent encore qu’un homme étrange, L'Ombrelongue, traque sans répit la maison depuis l’Ukraine en semant colère et mort sur son passage.
GennaRose Nethercott nous emmène dans un formidable premier roman fantastique qui aborde intelligemment des questions d’héritage, de mémoire collective et de vécu personnel, tout en bénéficiant d’une rare qualité d’écriture. A recommander sans hésiter !
Xavier
« Et elle n’était certaine que d’une chose : entre nous et le monde, il y avait un million d’histoires, et si l’on ne savait pas lesquelles étaient vraies, alors autant essayer les plus humaines, les plus généreuses, les plus belles, les plus chargées d’amour.»
A Chicago, dans les années 90, Jack et Elisabeth s’observent depuis le vis à vis de leurs appartements et projettent chacun·e leur espoir d’être aimé·e sur l’autre. Lors d’un concert, la magie de la rencontre se produit enfin, et iels ne se lâchent plus la main. Lui est photographe bohème, elle multiplie les formations universitaires pour satisfaire sa curiosité et son injonction à la performance. Iels se comprennent, se complètent, s’aiment.
Quelques années plus tard, nous les retrouvons pris dans les méandres de la parentalité avec un petit garçon sujet aux crises, dans l’abandon amer de certaines ambitions, et dans l’essoufflement d’une passion dont il ne semble plus subsister que des souvenirs.
Une histoire presque banale semblerait-il, celle d’un couple qui doit faire face aux désillusions de leurs rêves de jeunesse. Mais c’est sans compter sur la plume aiguisé de Nathan Hill, qui passe au scalpel l’anatomie de ce couple par de subtils allers retours temporels, sans jamais manquer de tendresse et de générosité dans le portrait qu’il en dresse.
L’auteur nous emmène aussi dans une réflexion plus large sur les évolutions de son pays ces dernières décennies, la fatalité des transmissions familiales, la question du bonheur et la façon dont les réseaux sociaux ont changé notre rapport au monde.
Un voyage dense et passionnant dans l’éternelle question de l’amour, et de notre place sur cette terre !
Céline