Le goût de la limace de Zoé Derleyn

Le goût de la limace est un recueil de dix nouvelles intimistes. En quelques pages à peine, le lecteur partage un morceau de vie avec un protagoniste, et pénètre ses pensées les moins avouables, ses émotions et ressentis. Nous sommes tour à tour plongés dans l’esprit d’une jeune femme enceinte lors de la veillée funéraire de sa belle-mère, dans celui d’une adolescente qui s’imaginerait bien débarrassée d’une famille encombrante, d’un enfant qui hésite entre Pif Gagdet et une poignée de bonbons, ou encore d’une fille submergée par la fièvre.

 Dès la première nouvelle, la force de suggestion du style m’a saisie. En quelques lignes je me suis retrouvée projetée au cœur de l’intrigue, des sensations et des relations entre les personnages. Les histoires sont brèves, et toutes partagent cette incroyable intimité, liées aux protagonistes mais aussi aux descriptions sensuelles et évocatrices.  Lire la suite

Les femmes de Heart Spring Mountain de Robin Mc Arthur

« Un ami écrivain lui a dit un jour qu’il faut trouver l’histoire que l’on est seul à savoir raconter. »

Août 2011, l’ouragan Irene s’abat sur le Vermont, dévastant tout sur son passage. Vale, qui a fuit sa famille il y a des années pour la Nouvelle Orléans, revient chercher sa mère Bonnie, disparue dans la tempête. Elle retrouve sa famille, sa tante Deb, une ancienne hippie, et la vieille Hazel qui mélange les souvenirs. Cette quête est aussi l’occasion de redécouvrir le passé de cette famille, et ses origines qui rejoignent l’histoire des Etats-Unis et des Amérindiens. 

« La malédiction de la maternité, songe-t-elle : nos enfants font notre bonheur, et nous sommes incapables de faire le leur. Alors nous souffrons, doublement. »

Ce roman, qui voyage entre plusieurs époques, nous raconte la destinée de femmes fortes et singulières et la nature omniprésente dans le Vermont. J’ai aimé les errances de Léna et sa chouette, l’idéalisme de Deb, les blessures de Hazel tout comme les difficultés identitaires de Bonnie et sa fille Vale. Si le roman parle surtout des femmes, les hommes sont là en filigranes, touchants avec leur tendresse et leurs lâchetés. 

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Toute la beauté du monde n’a pas disparu de Danielle Younge-Ullman

Ingrid, 17 ans, ne comprend pas ce qu’elle fait dans ce camp de survie en pleine nature. Elle n’a pas sa place parmi ses ados à problèmes qui ont des comptes à régler avec la société. Mais elle a
passé un contrat avec sa mère, et pour obtenir de faire des études de chant dans une prestigieuse école artistique anglaise, elle est prête à affronter ses trois semaines de trek dans la boue attaquée par les moustiques.

Au fil des jours et des (més)aventures, elle écrit des lettres à sa mère, qu’elle n’enverra jamais mais qui lui permettent d’expier. Elle raconte aussi ce qu’elle tait aux autres. Son enfance en tournée avec sa mère, Margot-Sophia Lalonde, étoile montante de l’opéra, jusqu’au drame, les cordes vocales endommagées. La dépression et ces jours sombres où sa mère ne sortait plus du lit. L’amour, aussi, salvateur ou décevant. Et surtout sa passion pour le chant, dévorante mais impossible à vivre pour ne pas blesser l’ancienne cantatrice. 

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Asta de Jon Kalman Stefansson

« Si tant est que ça l’ait été un jour, il n’est désormais plus possible de raconter l’histoire d’un personne de manière linéaire, ou comme on dit, du berceau à la tombe. Personne ne vit comme ça. « 

Si nous entrons dans l’histoire d’Asta par le jour de sa conception, le reste de sa vie nous sera en effet conté sans continuité, mais par fragments.  A travers les souvenirs de son père d’abord, qui, tombé d’une échelle, se souvient et regrette, mais aussi à travers des lettres d’Asta à son amant, à travers ses propres souvenirs d’enfance, de Reykjavik à  la campagne islandaise en passant par Vienne ou la Norvège. 

Asta, ce prénom qui signifie « amour » en islandais lorsqu’on en retire la dernière lettre. Car l’histoire d’Asta est bien une histoire d’amour : l’amour passionnel de ses parents, cet amour fou qu’elle découvrira plus tard avec ses amants, mais aussi d’amour filial et tendre, et de cet amour imparfait et nécessaire qui nous relie aux autres et qui nous définit en tant qu’être humain. C’est aussi un demi siècle en Islande, avec les révoltes sociales, l’apparition du tourisme, cette dépendance très forte à la nature, à la lumière et les conditions de vie rudes, et des portraits magnifiques comme celui de la nourrice, ou de Josef, le garçon qui était parfois âge de deux mille ans.  Lire la suite