Le sourire étrusque de José Luis Sampedro

Ce livre absolument magnifique évoque avec une infinie sensibilité les derniers mois de la vie d’un vieux Calabrais atteint d’un cancer. Lorsque s’ouvre le roman, celui-ci quitte son village natal pour rejoindre Milan où habitent son fils et sa belle-fille pour y subir des examens médicaux.
Ce sont alors deux mondes qui se heurtent, tant la vie rurale, faite de simplicité et obéissant à des traditions ancestrales, qui est celle du vieux, est éloignée de la société industrielle moderne qu’il découvre dans la grande cité italienne. Au-delà des aspects matériels, ce sont surtout les relations entre les individus qu’il ne comprend pas. Son plus grand désarroi naît de la façon dont son fils et sa belle-fille élèvent leur propre fils, Bruno, âgé de 13 mois, et qu’il rencontre pour la première fois.
Pourtant, le vieux va très vite nourrir un amour sans borne pour ce « Brunettino » : un amour tel qu’il n’en a encore jamais connu et qui va lui procurer les derniers, et peut-être les plus beaux moments de bonheur de son existence.
Pour cet enfant, il est prêt à rester dans cette ville qui lui est pourtant hostile. Et peu à peu, grâce à cette relation nouvelle, le regard qu’il porte sur le monde se transforme. Il fait aussi des rencontres. Ses souvenirs se mêlent aux expériences nouvelles pour donner une autre lecture de la vie et du monde.
Riche de rires et d’émotions, ce récit initiatique ayant pour héros un être au crépuscule de son existence insuffle espoir et enthousiasme, car il nous apprend que, jusqu’au dernier instant, la vie peut être découverte, amour et bonheur.

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American rigolos : chroniques d’un grand pays de Bill Bryson

bill-bryson-american-rigolosAprès une vingtaine d’années passée en Angleterre, Bill revient aux Etats-Unis, son pays natal, avec sa petite famille. Un vieil ami lui demande de rédiger des « colonnes » pour un hebdo, les « notes from a big country » sont nées.
« Ah tiens, un chroniqueur » vous-dites vous… Erreur fatale : Bill est THE chroniqueur! Jamais méchant, un peu ironique et faussement naïf, Bill observe et expérimente le quotidien.
Chaque chronique est ciselée; si ça part toujours de l’anecdote, ça s’envole immanquablement vers une réflexion plus profonde qu’il n’y paraît et ça revient sans faute au sujet de départ. le tout de façon si légère qu’on ne le sent même pas passer. On ne comprend cette belle mécanique qu’après dissection, quand on commence à essayer de comprendre comment ça marche son truc, comment il fait pour être si concis, précis, pertinent et surtout… surtout… si drôle.

A ne pas lire en public si vous ne voulez pas vous faire remarquer par vos éclats de rire…

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Le Cercle littéraire des amateurs d’épluchures de patates de Mary Ann Shaffer et Annie Barrows

patatesJanvier 1946. Londres se relève douloureusement des drames de la Seconde Guerre mondiale et Juliet, jeune écrivaine anglaise, est à la recherche du sujet de son prochain roman. Comment pourrait-elle imaginer que la lettre d’un inconnu, un natif de l’île de Guernesey, va le lui fournir ? Au fil de ses échanges avec son nouveau correspondant, Juliet pénètre son monde et celui de ses amis – un monde insoupçonné, délicieusement excentrique. Celui d’un club de lecture créé pendant la guerre pour échapper aux foudres d’une patrouille allemande un soir où, bravant le couvre-feu, ses membres venaient de déguster un cochon grillé (et une tourte aux épluchures de patates…) – délices bien évidemment strictement prohibés par l’occupant. Jamais à court d’imagination, le Cercle littéraire des amateurs d’épluchures de patates déborde de charme, de drôlerie, de tendresse, d’humanité – Juliet est conquise. Peu à peu, elle élargit sa correspondance avec plusieurs membres du Cercle – et même d’autres habitants de Guernesey –, découvrant l’histoire de l’île, les goûts (littéraires et autres) de chacun, l’impact de l’Occupation allemande sur leurs vies… Jusqu’au jour où elle comprend qu’elle tient avec le Cercle le sujet de son prochain roman. Alors elle répond à l’invitation chaleureuse de ses nouveaux amis et se rend à Guernesey. Ce qu’elle va trouver là-bas changera sa vie à jamais.

Un roman drôle et tendre, vraiment attachant…

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84, Charing Cross Road d’Helen Hanff

HanffAutomne 1949. Suite à une annonce publiée dans le Saturday Review of Literature, Helene Hanff, une américaine lectrice et scénariste pour la télévision, découvre l’existence de la librairie Marks & Co, située au 84, Charing Cross Road, à Londres. Cette librairie, spécialisée dans les livres épuisés, rares et anciens, qui propose des livres  » à moins de 5 $ pièce « , correspond tout à fait au maigre budget et aux intérêts littéraires de mademoiselle Hanff. Celle-ci a vite fait de passer commande de ses  » problèmes  » (comprenez : livres ARDEMMENT recherchés) auprès de l’équipe de libraires, et plus spécialement l’un d’entre eux, Frank Doel, avec qui elle engage une correspondance plus exclusive et privilégiée.

D’un ton formel du côté british, la correspondance devient plus familière et amicale au fil du temps. Cette relation épistolaire entre Helen et le microcosme Marks & Co sera d’une fidélité exemplaire, puisque pendant 20 ans, ceux-ci liront les emportements ironiques et savoureusement drôles de l’américaine, ses réactions plus ou moins enflammées à la réception des ouvrages, ses remerciements passionnés.
On est fasciné par l’amitié qui se tisse entre les personnages, auxquels on s’attache. Et, surtout, on se laisse prendre par la passion de ces amoureux du livre….

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K.622 de Christian Gailly

k622Une nuit, alors que le narrateur est au lit dans le noir et somnole la radio allumée, la musique de Mozart s’insinue en lui et le réveille. L’émotion est si forte qu’il a peur de la perdre, de ne jamais pouvoir la revivre. Il se procure différents enregistrements de l’œuvre, le concerto pour clarinette en la majeur, mais, chaque fois, quelque chose manque. Qu’à cela ne tienne, puisque l’on doit donner cette œuvre dans un concert, il va donc y aller ; et pour être digne et de l’oeuvre et de ceux qui viendront l’écouter, il se met en quête d’un costume, chemise, cravate et paire de chaussures. Lorsque, après mille mésaventures, il a réussi à trouver ce qu’il croit être son bonheur, il lui faut encore acheter un billet … Mais comme il s’y prend trop tard, il ne peut que compter sur une place de denier moment, celle qui, un quart d’heure avant le début du concert, va se trouver libérée.

Christian Gailly a trouvé comment se servir des émotions et de leur quête, pour manier l’humour et la fantaisie. Tour à tour grave et burlesque, ce court roman pose la question l’émotion musicale et de son évanescence d’une manière inoubliable, horripilante et jubilatoire.

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